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Blog de Xavier de Roux

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10 novembre 2006

L'adresse du Blog a change

Merci de mettre a jour vos signets et rendez-vous pour une nouvelle version du blog-notes sur


http://xderoux.wordpress.com/


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8 septembre 2006

A propos de Gaz de France

Il ne faut pas confondre l’Assemblée Nationale avec l’Assemblée Générale des actionnaires de Suez. Nous ne nous prononçons pas sur une fusion, nous transposons une Directive européenne du 26 juin 2003 ayant ouvert à la concurrence le marché européen de l’énergie. Cette Directive a fait suite au sommet de Barcelone qui a traité de cette question alors que Monsieur Jospin était Premier Ministre. Nous sommes donc dans la continuité républicaine.

Si la France possède, en effet, des ressources énergétiques importantes dans le domaine de l’électricité, c’est grâce à ses centrales nucléaires et hydroélectriques. Ses ressources en gaz sont nulles, puisque Gaz de France ne possède aucune ressource naturelle mais se contente d’acheter auprès des producteurs du gaz pour le distribuer à ses clients français. Ses deux plus gros fournisseurs, Gazprom (russe) et Sonatrac (algérien) viennent de passer un accord entre eux portant notamment sur le prix de vente du gaz.

Devant cette dépendance et son effet direct sur le prix du gaz auprès des consommateurs et compte tenu de l’ouverture européenne des marchés, il semble raisonnable de laisser à Gaz de France la liberté de nouer les meilleurs accords industriels possibles, étant entendu que l’Etat a l’intention de maintenir une minorité de blocage de 34 % lui permettant, par exemple, de s’opposer à une OPA hostile.

Il est de notoriété publique que Gaz de France souhaite s’adosser à un autre producteur européen d’énergie, en l’occurrence le Groupe Suez. La Direction de la Concurrence de la Commission Européenne soulève, à l’encontre de cette opération, un certain nombre de critiques tenant au fait que le nouveau groupe pourrait avoir une position dominante sur une partie substantielle du marché commun de l’énergie, en l’occurrence la France et la Belgique. Il n’est donc pas du tout sûr que cette fusion puisse se réaliser. Elle est en tous les cas de la compétence de la Commission Européenne et non pas du Parlement français qui se contente, dans le cadre de la transposition de la Directive, de donner à Gaz de France les conditions de sa croissance externe.

Xavier de Roux

Député de Charente-Maritime

4 juillet 2006

La fronde parlementaire

 

En cette fin de législature, la majorité parlementaire a marqué à plusieurs reprises son irritation contre certaines initiatives du gouvernement dont Dominique de Villepin est le Premier ministre.

Le début de la fronde, ce fut l’épisode du C.P.E. Alors que le Contrat Nouvelle Embauche (le C.N.E.) connaissait un certain succès, qu’il fallait observer son application et résoudre les éventuelles difficultés qu’il pourrait rencontrer, le gouvernement décidait de mettre en place un Contrat Première Embauche, applicable non plus à une catégorie d’entreprises mais à tous les jeunes en recherche d’emploi. Ce second texte insuffisamment préparé, aurait pu cependant accélérer l’accès au travail de beaucoup de jeunes insuffisamment qualifiés.

Mais comme très souvent en France, la diabolisation l’emporta sur le dialogue, et devant la réaction de l’opinion, le gouvernement après avoir forcé la main du Parlement, lui demanda de se dédire sans gloire.

Cette reculade marqua la fin de sa docilité tant il soulignait en quelle estime le gouvernement et son administration tenaient l’Assemblée Nationale.

Le Parlement ne tarda pas à manifester sa volonté d’indépendance et son rôle lorsque le gouvernement décida de lui faire voter en urgence la privatisation de Gaz de France pour pouvoir fusionner l’entreprise d’Etat avec la  Compagnie de Suez qui contrôle l’électricité belge à travers sa filiale Electrabel. 

Là encore on demandait sans beaucoup d’explications à l’Assemblée de se dédire. En effet, en 2004 elle avait décidé que l’Etat conserverait 70% du capital de Gaz de France. On ne pouvait faire volte face avec cette désinvolture qui serait la marque des esprits savants. La majorité parlementaire se braqua, refusa une session extraordinaire qui aurait été consacrée à ce seul sujet, c’est-à-dire à ce seul vote. Et le gouvernement décida donc de renvoyer à septembre ce qui paraissait si extrêmement urgent en juin. On verra d’ici là quelle est la position de l’Etat italien propriétaire d’ENEL, intéressée elle aussi par l’électricité belge, et puis surtout la position de l’Etat belge puisque les sept centrales atomiques dont on parle et qu’on se dispute sont sur son territoire, sans compter l’avis très réservé de l’Union Européenne.

D’un projet très urgent et complètement bouclé qu’il fallait voter dans l’urgence, on en revient à une discussion de fond, alimentée par exemple par le ralliement de la CFDT à la fusion proposée, et par la modération de la CGT de Suez. C’est donc une façon plus calme de légiférer qui l’a emporté sur la charge de cavalerie.

Le même phénomène se produit pour la réforme de la justice. En effet, l’encre de la commission d’Outreau, commission parlementaire, n’était pas sèche que le garde des Sceaux annonçait sa propre réforme, prête depuis le mois de février, et qui avait attendu la fin des travaux parlementaires portés par l’opinion, pour refaire surface.

Une fois de plus, l’Assemblée Nationale aurait dû mettre dans un profond tiroir ses propositions, pour voter illico celles du garde des Sceaux, même si le désaccord est flagrant entre les deux.

 Le président de la Commission des Lois a exprimé à l’exécutif que les conclusions de travaux si longs et si importants feraient l’objet certainement d’une proposition de loi, et qu’au cas où le ministre présenterait le premier son texte, il serait évidemment amendé pour tenir compte des propositions parlementaires. On en est là.

Car derrière tout cela, ce ne sont pas finalement les ministres qui sont en cause, mais plutôt la pratique lourde de la haute administration de ce pays, qui au gré des alternances politiques, fait passer les mesures qu’elle a concoctées et qu’elle estime bonnes ou mauvaises pour les citoyens. La simplification du droit par ordonnance a été un quasi fiasco, tout simplement parce que l’essentiel des mesures proposées concernait le bien-être ou l’organisation du travail des services et non pas la satisfaction des besoins du citoyen.

Ce n’est pas que l’administration française soit mauvaise. Au contraire, elle est très compétente et elle incarne la mémoire de la République, mais c’est elle qui réfléchit et qui prépare les textes à travers son prisme et sa logique qui n’est pas nécessairement celle du citoyen. 

La tâche de l’élu c’est justement de représenter le citoyen, d’être son porte-parole et en conséquence de contrôler ce que fait un gouvernement dans lequel, et quelle que soit sa couleur, la technocratie joue un rôle essentiel.

Le pouvoir de l’un, c’est la docilité de l’autre. Mais la démocratie, ce n’est pas la docilité de l’élu, et tout le paradoxe de la Vème République c’est d’avoir finalement restauré une monarchie républicaine qui a tendance, par confort ou par méfiance, à gommer le pouvoir des assemblées, au nom du soutien qu’une majorité devrait au gouvernement, puisque le gouvernement n’est pas issu de l’assemblée mais du Président de la République. La fronde parlementaire a du bon, elle indique clairement que le pays ne doit pas être gagné par une dérive royaliste, personnifiant à l’extrême le tenant du pouvoir, mais bien s’accommoder des contre-pouvoirs de la démocratie. 

Xavier de Roux

www.xavierderoux.net

15 mai 2006

Le Juge, le Corbeau et les Renards

Quand on regarde à la télévision un film policier, il faut généralement attendre la fin pour comprendre le scénario.

L’affaire Clearstream est un polar plutôt hard, mais l’on est en train de comprendre que ce qui semblait être un scandale politique, était d’abord une énorme bavure judiciaire, commise à l’occasion d’un règlement de comptes entre deux géants de l’armement, E.A.D.S et THOMSON que certains voulaient marier contre leur gré.

Jean Louis Gergorin, brillant diplomate et numéro 2 d’E.A.D.S a toujours aimé les histoires de James Bond, les espions venus du chaud ou du froid, les manipulations et les coups tordus.

C’est ainsi que pour destabiliser ses amis du groupe THOMSON, il a monté cette affaire compliquée de comptes étrangers traités au Luxembourg, en faisant fabriquer de faux listings impliquant de vraies personnalités, qu’il a décidé de transmettre à un Juge d’instruction pour lancer une « affaire » de nature à salir l’adversaire, ce qui est une spécialité très française.

Pour son montage, Monsieur Gergorin n’a pas choisi un perdreau de l’année, il a choisi le Juge Van Ruymbeke, celui qui instruit depuis des années et sans résultat, sur le sort de commissions qui auraient été versées à l’occasion de la vente de frégates à Taïwan, mais qui s’est rendu très célèbre dans le monde de la délinquance en col blanc. Il a par exemple, réussi à briser la carrière politique de Gérard Longuet, qui, dénoncé lui aussi anonymement, a finalement été acquitté de toutes les charges que le juge avait réunies contre lui.

Ce spécialiste des dossiers difficiles est tombé dans le panneau de Gergorin, en le recevant secrètement, hors de son bureau, dans le cabinet d’un avocat.

Durant cet entretien, l’homme d’E.A.D.S. lui aurait expliqué toutes les turpitudes de son concurrent, les dangers que courait l’industrie française, et surtout se serait engagé à lui remettre les fameux listings, ce qui fut fait trois jours plus tard, sous la forme anonyme, mais le juge évidemment, connaissait parfaitement le nom du corbeau, qui était aussi un faussaire, puisqu’il l’avait rencontré.

Pour pimenter cette dénonciation anonyme, le corbeau faussaire ajouta, pour faire joli, quelques noms d’hommes politiques de tous bords, Strauss Khan, Chevènement, Madelin, et surtout Sarkozy.

Le juge commença donc ses investigations, et fort de cette caution judiciaire, le corbeau alla expliquer cette fantastique affaire au Premier Ministre, dont il avait été le patron autrefois au Quai d’Orsay.

Très vite, il apparut, tant au juge qu’aux services secrets, qu’il s’agissait d’une affaire bidon. Mais on laissa mariner, évidemment, pour que la rumeur et le soupçon atteignent Nicolas Sarkozy.

Ce n’est pas la première fois que l’on joue à ce jeu dans notre République. Souvenons nous de l’affaire de l’Observatoire de François Mitterrand, ou encore plus récemment, de Georges Pompidou et de l’affaire Markovic.

Nicolas Sarkozy et les autres déposèrent plainte pour que l’on trouve le corbeau. Or la justice, depuis le premier jour, le connaissait parfaitement et n’en disait rien, laissant l’affaire prendre les proportions que l’on sait.

Sans le silence de Van Ruymbeke, il n’y aurait pas eu d’affaire Clearstream !

Pourquoi un juge expérimenté connaissant un coupable le protège-t-il ?

Pourquoi un juge expérimenté laisse-t-il prendre une proportion médiatique et politique considérable à ces faits qu’il sait faux ?

Cela évidemment n’excuse pas les manœuvres de basse police qui ont été ensuite déployées à partir de rien, pour tenter d’éliminer un concurrent politique, et qui ont démontré l’extraordinaire naïveté de leurs auteurs.

Plus sérieusement, puisque les coups bas en politique existent depuis que le monde est monde, la procédure Clearstream, démontre une fois de plus, l’état de notre système de procédure pénale, et le rôle tout à fait dangereux que peut y jouer le juge d’instruction.

Ce rôle, mis en lumière par la commission parlementaire créée après l’affaire d’Outreau, montre une fois de plus ces limites et ces dangers.

Il faut rejoindre les constatations et les propositions de personnages aussi éminents du monde judiciaire, que sont le Président Canivet, le Procureur Général Burgelin, le Juge Fenech, Maîtres Soulez Larivière, ou encore Jean Loyrette, pour profondément modifier en France l’instruction, afin que la vérité échappe enfin à la provocation.

Xavier de ROUX

20 avril 2006

De fausses solutions à un faux problème

echoune103Bien que la courbe du chômage se soit inversée depuis plus de six mois, il était tout à fait légitime que le gouvernement cherche une solution à une spécialité française : le chômage des jeunes. On constate, en effet, que malgré des offres de travail non satisfaites en très grand nombre, les jeunes ont du mal à trouver un emploi.

 

La réponse classique d’un employeur au candidat à un premier emploi sonne comme une rengaine : « vous n’avez pas d’expérience ». Monsieur de La Palisse n’aurait pas dit autre chose… Les offreurs ne veulent pas prendre le risque économique d’un licenciement. Ils proposent donc des stages ou autres contrats à durée déterminée que l’on peut ne pas renouveler sans s’exposer à des indemnités. C’est ce que l’on appelle dans le vocabulaire d’aujourd’hui, la précarité.

 

L’idée du gouvernement était donc de proposer un vrai contrat à durée indéterminée, résiliable moyennant un préavis, et une indemnité forfaitaire, pendant une durée de deux ans. Cette souplesse dans l’application dérogatoire du travail devait permettre de remettre à armes égales les candidats expérimentés et les candidats sans expérience. La mesure avait l’avantage d’être simple, et de ne rien coûter à l’Etat qui se ruine en contrats aidés de toutes sortes.

 

Mais cette mesure avait deux défauts : d’abord, applicable jusqu’à vingt six ans, elle créait une discrimination pour l’ensemble des demandeurs d’emploi de cet âge, quelle que soit leur formation ou la branche d’activité qu’ils choisissaient ; Ensuite, et surtout, elle ne fit l’objet d’aucune explication, laissant à ses adversaires le choix des mots et des slogans. On décréta donc une « génération précaire » créée par « l’ultralibéralisme » ; et en avant toute pour les cadences infernales, la lutte des classes, les patrons exploiteurs, et le règne du profit ! L’économie de marché a en effet un immense défaut, elle est à peu près seule au monde ! Le seul grand pays a être encore sous la domination d’un parti communiste totalitaire, c’est la Chine ; Les conditions de travail et de salaire y sont telles qu’elle est devenue le grand atelier du monde, et que son exemple est difficilement vendable dans nos sociétés occidentales, même à Marie-George Buffet et à Alain Krivine, qui furent les ardents défenseurs d’un système pire encore.

 

Dans sa solitude, l’économie de marché fonctionne cahin-caha, fabriquant du profit comme de la pauvreté, mais généralement couvrant en Europe les besoins des populations, tout en innovant dans la recherche fondamentale, l’espace ou la santé. On demande simplement au pouvoir politique d’agir pour réglementer autant que faire se peut le fonctionnement de ce marché, pour qu’il ne soit pas simplement un marché aux voleurs !

 

C’est justement pour agir sur le marché du travail, qui ne fait pas naturellement assez de place aux jeunes,  que le gouvernement est intervenu ! Ce n’est donc pas de l’ultralibéralisme, ni même du libéralisme, c’est exactement le contraire, tout à fait dans la tradition française, où l’Etat doit intervenir sur tout et dans tout.

 

Cette intervention, pavée de bonnes intentions, n’a pas été comprise. Il était inutile de déclencher une guerre civile pour une mesure qui ne méritait pas tant de polémique et tant d’indignité. Elle a été retirée. Mais le problème n’est pas résolu pour autant. Il reste entier. Et l’on voudrait bien savoir quelles mesures efficaces ses détracteurs proposent.

 

 

On a beaucoup entendu, sur fond rose, Monsieur Hollande brocarder le gouvernement, mais le parti socialiste est muet. Il paraît qu’il réfléchit et même qu’il va trouver. On croyait qu’après tant d’années passées au pouvoir, il avait eu le temps de réfléchir, et même de méditer ; Il n’en est rien. « Du passé faisons table rase » chante-t-on en fin de banquet à l’heure de l’internationale. C’est pratique et même ça explique tout ! Monsieur Fabius peut passer les habits neufs du Président Mao !

 

Pressée de questions sur ce sujet, notre candidate à la Présidence de la République a répondu, entre deux pas de danse avec Jamel Debbouze, qu’il fallait de la souplesse pour les employeurs et de la sécurité pour les employés qui devraient conserver leur salaire en cas de licenciement. On croyait qu’il existait déjà en France une assurance chômage, Ségolène Royal va peut-être le découvrir et sans doute l’améliorer. En attendant cette proposition tirée d’un modèle scandinave qui contraint le chômeur à accepter l’emploi qu’on lui propose, rien n’émerge des bancs du parti socialiste ; Si l’on va plus à gauche, le remède c’est la fin de l’économie de marché, le retour au modèle albanais, style Enver Hodja, avec José Bové à l’autosuffisance alimentaire, Noël Mamère aux éoliennes, Besancenot aux entreprises publiques, Laguiller aux finances, Mélenchon à la propagande, Krivine à l’intérieur, Emmanuelli aux banques et Marie-George Buffet, Premier Ministre.

 

Ne souriez pas, cet attelage, dans le passé, a réussi dans de nombreux pays… et l’avant-garde prolétarienne a déjà saisi la coordination étudiante.

 

Si l’on veut sortir des slogans, des idées préconçues, des solutions technocratiques qui dorment dans les tiroirs des ministères, il serait peut-être temps de mettre tous les acteurs sociaux en face de leurs responsabilités pour que s’organise un marché de l’emploi cohérent.

 

Il est venu le temps de mettre autour de la table les syndicats des salariés comme les représentants des entreprises, mais aussi les acteurs de la formation et au premier chef l’Etat responsable de l’Education Nationale, pour analyser d’abord le plus objectivement possible la situation – il y a tant de rapports savants sur ces sujets – et pour tenter ensuite de dégager des pistes communes. Le Conseil Economique et Social, qui est une assemblée permanente, pourrait être le havre et le médiateur d’une telle réunion. Il pourrait faire siennes les conclusions et les transmettre aux deux autres assemblées.

 

Ainsi le débat serait public, complet et totalement démocratique.

 

Puisqu’on parle tant de démocratie participative, peut-être pourrait-on commencer par là.

 

 

Xavier de Roux

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7 avril 2006

Lettre ouverte aux camarades Socialistes et à ceux qui ne le sont plus

Lettre ouverte aux camarades Socialistes et à ceux qui ne le sont plus

Chers Camarades,

La France, au fond d’elle-même, est un vieux pays Marxiste. C’est un vieux pays Marxiste parce que ses élites, pendant un siècle et demi, se sont nourries de cette respectable utopie. Notre Ecole Normale Supérieure a entretenu et enseigné le mythe, des générations d’étudiants, puis des générations de professeurs l’ont transmis. La matérialisme dialectique avait réponse à tout et si on lui opposait l’homme, eh bien il changeait l’homme !

La philosophie, la littérature, l’économie et même l’histoire se sont trouvés absolument imprégnés de ce modèle, au moment même, où, échappant à l’humanisme, il tombait dans les mains d’une génération d’assassins. La raison pour laquelle Lénine, Staline, Mao et les autres de plus petite envergure, ont exterminé en masse leurs ennemis - et chacun était leur ennemi – n’a pas été complètement élucidée, mais beaucoup a été constaté si tout n’a pas été expliqué !

Le socialisme est devenu, avec le fascisme, la plus grande folie meurtrière du XXème siècle, les peuples ont fini par s’en libérer, les uns après les autres, mais contrairement aux bourreaux nazis, on a rarement jugé les coupables. Les responsables du génocide cambodgien ont pour la plupart survécu. Le procès de la République des égaux, le procès des parvenus du prolétariat n’a finalement jamais eu lieu et dans notre honorable pays, les épigones de ceux qui ont soutenu ces hommes tiennent toujours boutique et donnent des leçons de démocratie.

Lorsqu’en 1981 vous êtes revenus au pouvoir avec eux, votre programme comportait l’appropriation par l’Etat des moyens de production et de financement. Et vous avez appliqué tout votre programme en nationalisant la moindre banque et toutes les grandes entreprises. Vous avez créé le Ministère du temps libre puisque la fin du travail faisait partie du spectacle. En quelques mois, le franc s’est effondré, vous avez instauré un drastique contrôle des changes et distribué aux citoyens un petit livret permettant de sortir quelques centaines de francs pour se promener à l’étranger. En 1981, effectivement, la France s’inspirait du modèle hongrois, bien que Michel Rocard afficha sa préférence pour le socialisme yougoslave. On a les modèles qu’on peut.

Sur ce, Pierre Maurois, premier Ministre, fut convoqué à Bruxelles. Le Président de la Commission lui expliqua que l’expérience française – pourtant très intéressante –n’était pas, pour l’essentiel, compatible avec le Traité de Rome qui prévoit la création d’un grand marché dominé par un certain nombre de libertés et notamment la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens dans le cadre d’une concurrence qui ne soit pas faussée notamment par l’intervention des Etats.

Il fallait donc choisir entre l’Union Européenne et le programme commun de gouvernement ! Et c’est là, chers camarades, que commence le malentendu. Vous avez choisi ce jour-là l’économie de marché, certes, comme une parenthèse, mais comme une parenthèse nécessaire, et vous avez été chercher Laurent Fabius, haut fonctionnaire et grand bourgeois, pour bien montrer à Bruxelles, que vous aviez encore en réserve des Léon Blum !

Et il faut dire que pour le capitalisme français, ce coup d’essai fut un coup de maître. Le Crédit Lyonnais, banque d’Etat, permit à deux grands groupes de naître et de se développer, Bernard Arnault, dans le parfum, le luxe et le champagne, François Pinault, dans la distribution. Plus tard, on jeta le Lyonnais avec quelques milliards de dettes, mais c’est une autre page du capitalisme d’Etat dont vous avez le secret !

En attendant, vous décidiez de jouer l’Europe, de mettre la construction européenne au cœur de votre programme et d’opposer à vos alliés communistes l’impératif européen que vous faisiez en même temps gober à la CGT.

Vous saviez parfaitement que la construction du Marché Européen c’était la fin des monopoles d’Etat, des services publics à la française, l’ouverture des réseaux, une politique commune de l’énergie. Vous avez donné à l’Union Européenne un mandat pour les négociations à l’Organisation Mondiale du Commerce, et pour faire bonne mesure, vous avez donné à l’Europe pour mener ces politiques, Jacques Delors, et Pascal Lamy ! Quels grands maîtres. Il y a eu des alternances politiques, 1986, 1988, mais vous avez tenu le cap. Vous avez fait campagne pour le Traité de Maastricht, c’est-à-dire pour la monnaie unique, donc pour une Europe économique renforcée, selon des forces contraignantes. Vous saviez très bien qu’il fallait désormais faire sans cesse le grand écart entre la règle Européenne et celles de vos programmes politiques.

Vous avez ouvert tout grand portes et fenêtres de la maison France, tout en soutenant un malheureux Etat providence privé de moyens ! Vous avez taxé le capital pour faire héroïque, avec pour seul résultat qu’il émigre un peu plus loin en Europe.

Vous avez peuplé Londres, Bruxelles, Genève, Rome, des plus grandes fortunes françaises, sans en tirer le moindre bénéfice. Vous qui aviez souhaité l’internationale sociale, vous découvrez la mondialisation libérale tirée par des peuples sortant de la misère et aspirant à la richesse ; La Chine n’est plus celle de Mao, l’Inde n’est plus celle de Gandhi. Des milliards d’hommes envisagent d’obtenir le confort par leur travail alors que vous avez interdit de travailler.

Devant ce nouveau monde qui se crée sous vos yeux, votre Europe était peut-être la solution, organiser une même civilisation pour tenir tête aux grands prédateurs mondiaux… Et là, vous vous êtes déchirés, et finalement vous avez dit non.

Vous avez dit non avec une certaine logique, parce que l’Europe, cette Europe-là, que vous aviez pourtant construite, apparaissait incroyablement éloignée de vos chimères alors qu’est venu pour vous le temps de vous replier sur vos chimères.

Vous avez convoqué le banc et l’arrière-banc, le vieux Krivine blanchi sous le harnais Trotskyste, Madame Marie-George Buffet rassemblant les derniers cavaliers staliniens, l’ineffable Arlette Laguiller qui a fait la lutte des classes au Crédit Lyonnais, José Bové qui rêve de vivre au Moyen Age en sabots, Emmanuelli ranci de rancunes, les derniers carrés de la CGT et de Sud, les épigones et les réseaux. Et maintenant, vous jouez à la révolution sous prétexte qu’un gouvernement scélérat s’en prendrait au Code de Travail !

Je sais que le pouvoir fascine et qu’on peut tout promettre pour le pouvoir.

Ayez pourtant le courage du réalisme, sortez du brouillard des utopies. Affichez clairement la couleur et dites enfin quelest votre programme et comment et avec qui vous comptez le mener. La démagogie peut payer un instant, mais, à force, c’est la démocratie tout court qui est en cause.

Xavier de Roux

10 février 2006

Outreau !

Le juge Burgaud attendait beaucoup de l'affaire d'Outreau, mais certainement pas qu'elle fasse exploser en vol une institution plusieurs fois centenaire en France, le juge d'instruction !

Depuis la nuit des temps la justice pénale française repose sur l'aveu et sur l'intime conviction des juges.

La recherche objective de la preuve, et donc la présomption d'innocence, malgré des affirmations répétées, n'est pas dans la culture profonde de notre Pays.

On a au cours des temps plaqué un droit raisonnable sur des croyances qui ne le sont pas ; on a donné des habits neufs à l'Inquisition. On n'a jamais supprimé les inquisiteurs.

On s'étonne aujourd'hui, parce que l'émotion est grande, comme on s'est étonné chaque fois qu'une erreur judiciaire heurtait l'équité et l'équilibre social, de notre système d'enquête.

On s'effraye d'un système où le besoin de l'aveu est si présent dans la tête du juge qu'il envoie le présumé innocent méditer au frais, dans une prison infecte, sur les noirceurs supposées de son existence, en faisant soigneusement doser par l'administration pénitentiaire le nombre et la qualité des fouilles au corps quotidiennes, parce qu'humilier un individu c'est l'affaiblir, c'est l'amener à merci !

Mais ce traitement que l'on découvre avec horreur n'est pourtant pas nouveau. L'aveu contre la liberté provisoire c'est vieux comme notre justice. Depuis que l'on a supprimé la question ordinaire et la question extraordinaire, le mitard a remplacé les brodequins !

Le jeune Legrand a expliqué combien le juge était devenu sympathique et attentionné dès qu'il eut passé d'effrayants aveux, qu'il allait encore exagérer, faisant passer le dossier du viol au meurtre.

Et pourtant il y a une formidable difficulté à mettre fin à ces pratiques. On exige des lois nouvelles ; on a flanqué le juge des instructions d'un juge des libertés, pour que l'incarcération ne dépende plus de lui ; on a changé le nom de la chambre d'accusation, la bien nommée, pour l'appeler la chambre d'instruction.

Mais le résultat est toujours le même, parce qu'il existe une consanguinité très forte entre les magistrats, un corporatisme puissant. Ni les femmes, ni les hommes qui composent ce corps ne sont en cause. Ils sont souvent brillants et dévoués à l'intérêt public, comme l'était sans doute d'ailleurs le juge Burgaud, qui semble tomber du ciel en entendant les accusations dont on l'accable.

C'est la culture profonde, ancienne, de notre Pays qu'il faut modifier.

Aujourd'hui, l'opinion s'épouvante du procès d'Outreau, hier la même réclamait des châtiments plus grands pour les violeurs, sacralisait les victimes et les paroles des enfants. Certains ont même demandé de rendre imprescriptibles les poursuites !

Dans un système d'enquête où l'aveu est central, l'avocat est évidemment un gêneur. Pourtant des générations d'avocats et de magistrats ont longtemps cohabité, très tranquillement et souvent très convivialement en respectant une règle qui semble parfaitement désuète aujourd'hui : la foi du Palais ! On se parlait librement, on s'écoutait souvent.

Et puis, à mesure que le corporatisme s'installait dans la formation des magistrats, la suspicion s'est installée. L'avocat est devenu une sorte de complice de son client. On a vu récemment dans des affaires célèbres, ou moins célèbres, le juge d'instruction se précipiter, perquisitionner le cabinet de l'avocat, et même un garde des sceaux défendre cette singulière position ! Il aurait parfois fallu qu'un avocat ouvre tout grands ses dossiers, sous peine d'être tenu pour complice.

L'intime conviction, lorsque l'on n'écoute plus les arguments de la défense, ne se forge plus dans le contradictoire. Tous les avocats de l'affaire d'Outreau le disent. Le juge était très courtois, mais il n'écoutait rien.

Ainsi donc le triptyque, recherche de l'aveu, intime conviction du juge, suspicion de la défense, a conduit le système à une évidente faillite.

On entend ici et là qu'on va le replâtrer un peu, en créant par exemple un pôle d'instruction départemental, en mettant deux juges au lieu d'un, mais ces rustines qui compliqueront encore la procédure sont désormais tardives et inutiles. Il faut supprimer l'institution de l'instruction telle qu'on la connaît. Cela ne signifie pas de la remplacer par la procédure accusatoire anglo-saxonne. A chacun ses origines !

Il conviendrait d'abord de faire en sorte que les procureurs soient bien les avocats de la République, qu'il s'agisse d'un corps parfaitement autonome chargé de la poursuite des délits et des crimes et du respect de la loi et de l'ordre public, ayant à leur disposition les moyens d'enquête judiciaire. Il faudrait ensuite que l'enquête se fasse sous l'arbitrage d'un juge qui donne à la défense les moyens de répondre aux accusations en ordonnant les mesures d'investigation ou d'expertises qu'elle requiert parce qu'elle les estime nécessaires. Le juge retrouverait ainsi sa fonction de juge. Il ne serait plus l'accusateur, il serait l'arbitre.

L'incarcération provisoire devrait être spécifiquement motivée et ne point répondre aux motifs standards dont on orne actuellement les ordonnances ! Elle serait ordonnée par la juridiction pénale.

Ainsi disparaîtrait dans les faits l'intime conviction du juge au stade de la recherche des preuves, ainsi l'aveu ne serait plus que relatif, un moyen de preuve comme un autre, ainsi surtout, sortant du corps des magistrats, les avocats de la République changeraient en même temps de statut, et l'égalité entre l'accusation et la défense serait établie. Après tout, c'est simplement ce que demande la démocratie.

Xavier de Roux

Vous pouvez réagir à cet éditorial en écrivant à l'adresse électronique suivante: contact@xavierderoux.net

Publié dans L’Echo des Arènes - Fevrier 2006

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